Lava Jato : le scandale de corruption qui fait chanceler le Brésil
Les Brésiliens sont en colère et manifestent leur désaccord avec le gouvernement. Ce dimanche, ils étaient plus de 900 000 dans les rues à crier « Dehors Dilma ». Outre le croissance économique qui stagne, la dette publique qui augmente, le chômage qui s’accentue et l’inflation de plus de 8 %, la population dénonce le scandale de corruption dit « Lava Jato » (« lavage automatique ») qui lie Petrobras, les entreprises de construction et les partis politiques de la coalition gouvernementale.
La présidente brésilienne, réélue difficilement pour un second mandat l’an dernier, est actuellement la chef d’État la plus impopulaire depuis 30 ans, d’après le dernier sondage CNT/MDA (juillet 2015).
Bien que Dilma Rousseff ne soit pas inquiétée par l’enquête sur le scandale de corruption « Lava Jato », son parti, le PT (Parti des travailleurs) et ses alliés le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien) et le PP (parti progressiste) auraient touché des pots-de-vin qui, au-delà de l’enrichissement personnel, aurait potentiellement servi à financer les caisses noires du parti et les campagnes électorales de l’héritière de Lula.
D’autre part, même si tous les Brésiliens ne la considèrent pas coupable, beaucoup l’estiment responsable, du fait qu’elle ne pouvait pas ignoré ce système de corruption et de blanchiment d’argent. En effet, Dilma Rousseff était au moment des faits, ministre de l’énergie, ministre de tutelle de Petrobras, chef de cabinet du président Lula ou présidente. D’où la colère de Brésiliens envers leur présidente, qui pendant son premier mandat, mettait l’accent sur la lutte contre la corruption.
Comment fonctionnait le système ?
- Une vingtaine d’entreprises du BTP sont soupçonnées d’avoir formé un cartel pour décrocher tous les contrats de construction en lien avec le géant pétrolier Petrobras, notamment le développement sur les côtes de Sao Paulo et de Rio de Janeiro et gonfler les factures.
- Un de leurs représentants (probablement un dirigeant de l’entreprise Odebrecht) négocie pour le cartel l’exclusivité des contrats auprès des dirigeants de Petrobras (entreprise dont 48 % du capital est public). Ces derniers acceptent, malgré un surcoût pour Petrobras d’environ 3 %, soit 2 milliards d’euros entre 2004 et 2014, d’après l’évaluation en avril par le géant pétrolier. Selon la police, ce serait près de 3,6 milliards d’euros qui auraient été détournés en 10 ans.
- Le cartel paie en effet des pots-de-vin à hauteur de 1 % à 3 % du contrat à des dirigeants de Petrobras mais également à des hommes politiques du Parti des Travailleurs et de ses alliés. D’après l’ancien directeur de Petrobras, Pedro Barusco, le PT aurait ainsi reçu près de 180 millions d’euros, à travers ce système.
Comment a-t-il été révélé et où en est l’enquête ?
En 2008, une plainte est déposée par Hermes Magnus, sorte de lanceur d’alerte du scandale. Patron d’une entreprise, il accuse des personnalités locales d’utiliser sa société pour blanchir de l’argent. Il dénonce l’entrepreneur Alberto Youssef, déjà impliqué dans plusieurs affaires, qui devient le point de départ des enquêteurs.
En mars 2014, le scandale éclate, une vingtaine de personnes sont arrêtées dont Alberto Youssef et Paulo Roberto Costa, ancien directeur des approvisionnements. Menée par le juge Sergio Moro, avec l’appui de la police fédérale et d’une commission parlementaire, l’enquête porte sur plus de 200 entreprises et 150 personnes dont 13 sénateurs, 22 députés et 2 gouverneurs.
Des vagues d’arrestations se succèdent en novembre 2014, mars et juin 2015. Le trésorier du Parti des travailleurs, Joao Vaccini ainsi que deux dirigeants d’entreprises de construction, Marcelo Odebrecht et Oclavio Azevedo sont notamment arrêtés et condamnés pour corruption et blanchiment d’argent.
Quelles sont les conséquences pour Petrobras ?
Petrobras, géant pétrolier symbole de la croissance du Brésil, aujourd’hui 7e puissance économique mondiale était la 8e entreprise mondiale en 2011. Employant 70 000 personnes, son chiffre d’affaires était de plusieurs centaines de milliards d’euros dans les années 2000. Mais depuis la révélation du scandale, le cours de l’action de Petrobras chute et d’après les résultats financiers annoncés fin janvier par l’entreprise, ses bénéfices ont chuté de 22 % entre janvier et septembre 2014.
Destituer Dilma Rousseff est-il envisageable ?
En 1992, le Congrès était parvenu à renverser le président Fernando Collor. Pourtant, les observateurs pensent improbable un tel vote aujourd’hui. Le Sénat est conservateur, mais le PT est le parti qui a le plus de sièges à la Chambre des députés et par le jeu des alliances, la présidente devrait être épargnée. D’autre part, même s’il y a destitution, le problème ne serait pas réglé car 49 hommes politiques sont également soupçonnés par le procureur fédéral, dont le président du Sénat Renan Calheiros et le président de la Chambre des députés Eduardo Cunha.